Droit à la vie privée

Comprendre l'évolution d'une liberté aux multiples facettes

I. Fondements

Le droit à la vie privée trouve son fondement dans des normes qui ont été adoptées aussi bien sur le plan international, national que supranational.

Parmi celles-ci, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme (ci-après, la « Conv. EDH »), signée à Rome par les États membres du Conseil de l'Europe le 4 novembre 1950, occupe une place cardinale.

« Toute personne », proclame cette disposition, « a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Le droit à la vie privée est en outre reconnu par l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 12 décembre 2007.

En Belgique, l’article 22 de la Constitution rappelle l’importance de cette liberté fondamentale. La formulation de cette disposition s'inspire directement de l'article 8 Conv. EDH.

II. Une liberté aux multiples facettes

Le concept de vie privée est évolutif et particulièrement polymorphe.

Depuis plus de cinquante ans, la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après, la « Cour EDH ») joue un rôle décisif dans son développement, en adoptant une interprétation dynamique et extensive de l'article 8 de la Convention.

Sa jurisprudence a de la sorte très largement dépassé le cadre du droit à l'intimité qui constitue le cœur de la notion de vie privée.

La Cour semble avoir définitivement franchi ce cap en consacrant le droit pour l’individu à une vie privée sociale qui comprend le droit au développement personnel, de même que le droit de nouer et développer des relations avec ses semblables et le monde extérieur [1].

Plus récemment, la Cour a mis en lumière un aspect du droit à la vie privée qui est essentiel dans notre société contemporaine, vu l’essor de l’informatique, à savoir : le droit à l'autodétermination informationnelle qui peut être défini comme le pouvoir de l’individu de maîtriser les informations qui le concernent, autrement dit ses données personnelles. [2]

Outre les dimensions évoquées ci-dessus, on peut encore citer :

  • ° le droit à l’intégrité physique, psychologique et morale ;

  • ° le droit à l’image ;

  • ° la protection de la réputation et de l’honneur ;

  • ° la protection du domicile et des locaux professionnels ;

  • ° la protection de la correspondance et des communications ;

  • ° le droit à un environnement sain ;

  • ° la protection de l'identité qui comporte le droit de connaître ses origines et d’établir ses liens de filiation, le droit au nom et au prénom, l'identité de genre et le droit de choisir son apparence...

III. Un concept évolutif

Le droit à la vie privée n'a pas fini de livrer tous ses secrets.

Il suffit, pour s'en rendre compte, de se pencher sur de la jurisprudence récente.

Épinglons par exemple un arrêt du 4 juillet 2023 dans lequel la Cour EDH a considéré que l’identification d’un manifestant dans le métro à l’aide de la technologie de reconnaissance faciale portait, en l’espèce, atteinte à son droit à la vie privée. [3]

Le droit à la vie privée comporte des facettes à ce point variées que l’on a parfois l’impression de s’y perdre... sauf sans doute à garder le droit à l’intimité comme fil conducteur...

Notes

[1] Cour EDH, Niemietz c. Allemagne, 1992, § 29 ; Pretty c. Royaume-Uni, 2002, §§ 61 et 67 ; Oleksandr Volkov c. Ukraine, 2013, §§ 165-167 ; Bărbulescu c. Roumanie [GC], 2017, § 71 ;

[2] Cour EDH, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], 2017, §§ 133-134 ;

[3] Cour EDH Glukhin c. Russie, n°11519/20