Droit à l'image

Contours de l’un des attributs essentiels de la personnalité d'un individu

Le droit à l’image constitue une dimension du droit à la vie privée, tel qu’il est protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, « l’image d’un individu est l’un des attributs principaux de sa personnalité, du fait qu’elle exprime son originalité et lui permet de se différencier de ses pairs. Le droit de la personne à la protection de son image constitue ainsi l’une des conditions essentielles de son épanouissement personnel. » [1]

Pour qu’il y ait atteinte au droit à l’image, la jurisprudence requiert que la personne représentée soit identifiable ou reconnaissable. [2]

Il n’est, toutefois, « pas nécessaire que l’attention se porte sur un visage », relève à juste titre la 7ième chambre de la Cour d’appel de Gand, dans un arrêt du 5 janvier 20019. [3]

Dans cette affaire, la Cour a estimé que « l’apposition d’une bande noire sur le visage de l’intéressé est sans pertinence dès lors que celle-ci ne dissimule pas son identité. » [4]

La Cour a tenu compte de la présence d’un tatouage et a considéré qu’ « une partie du corps comme les oreilles sont visibles et permettent d’identifier la personne en combinant cet élément avec d’autres présents sur la photo. » [5]

Le droit à l’image protège les traits physiques d’une personne, en particulier son visage, de même sa silhouette ou d’autres éléments qui caractérisent sa physionomie.

En effet, « il importe peu que l’image de la personne qu’on a voulu rappeler au public soit rigoureusement exacte s’il est impossible de se méprendre sur la ressemblance par les signes distinctifs qui la caractérisent, sa manière spéciale de se vêtir, son attitude générale, la pose habituelle de son corps et le rappel de ses habitudes quotidiennes. » [6]

C’est ainsi que le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société éditrice de la chaine de télévision M6 pour la diffusion d’un reportage intitulé « Enquête exclusive spéciale Zahia, Patrizia et les autres : enquête sur les escort-girl. » [7]

Il a été jugé que le floutage de la demanderesse, filmée à son insu, était insuffisant.

Le Tribunal a considéré que : « S’il est exact que le visage de Mme M. n’apparaît pas sur le film, en revanche, sont filmés très nettement les vêtements et accessoires qu’elle porte, – à savoir, un manteau, un pantalon, des bottines avec une bordure de fourrure, un sac à main, une montre de grande taille, ses cheveux […] longs flottant irrégulièrement sur le dos, éléments, qui pris individuellement sont peut-être communs à de nombreuses jeunes femmes à la mode, mais qui apparaissant dans leur ensemble, tendent à donner à une personne un caractère original [...]

» Par ailleurs, sa carrure, sa silhouette, sa démarche, lorsqu’elle est filmée dans la rue en quittant l’hôtel, ainsi ses expressions corporelles et notamment les mouvements de ses mains et de ses doigts, longuement visibles pendant le reportage, associés à l’intonation de sa voix et à son rire, que la déformation couteuse alléguée par les défenderesses ne dissimulent qu’imparfaitement, concourent à permettre son identification certaine » [8]

Dans le même sens, le président du Tribunal de première instance de Bruxelles a décidé en référé que la reconnaissance d’une personne peut « notamment découler de la visibilité de certaines caractéristiques du visage, comme les yeux, le regard souriant, la forme du visage et le torse ainsi que les membres. » [9]

Un peu plus récemment, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’il importait peu « que le visage du demandeur soit flouté ou non le jour de l’audience, dès lors que le reste de son corps, attribut du droit à l’image, apparaît. » [10]

Notes

[1] Cour EDH, Reklos et Davourlis c. Grèce, 15 avril 2009, § 40 ; López Ribalda et autres c. Espagne [GC], 2019, §§ 87-91 ;

[2] Voir par ex. : Bruxelles (9ième ch.), 5 septembre 2014, A.&M., 2015, p. 264 ; Civ. Bruxelles (14ème ch.), 25 avril 2000, A.&M., 2000, 466 ;

[3] Gand (7ième ch.), 5 janvier 2009, T.G.R., 2009, 112 et A.&M., 2009, p. 413 ;

[4] Extrait de la décision traduit par la revue précitée

[5] Texte néerlandais de la décision : « Het zwarte balkje over het zijdelings gedraaide hoofd ter hoogte van de ogen van de heer D’H is in deze zaak te klein om de identiteit van de heer D’H te verbergen. Niet alleen is de rug vrij goed te herkennen, zeker in het milieu van tatoeëerders en getatoeëerde. Bovendien is het gezicht en het hoofd van de heer D’H nog in ruime mate zichtbaar. Een specifiek lichaamsonderdeel als de oren blijft zichtbaar en laat combinatie met de rest van de foto toe de persoon te identificeren » (traduction en français par C. Goblet) ;

[6] Civ. Calais, 19 juin 1985, Gaz. Pal., 1985, II, p.155 ;

[7] TGI Paris (réf.), 1er avril 2011, affaire Mme M. c./ Actuel Prod et autres, Legalis.net et Légipresse, n°286, 2011, p.467

[8] Ibid. ;

[9] Voorz. Rb. Brussel (kort ged., derdenverz.), 22 octobre 2009, A.&M., 2010/3, p. 301 ;

[10] TGI Paris (réf.), 16 novembre 2018, Legalis.net.